Accompagnement des élèves

L’accompagnement aux devoirs des EANA

05 / 09 / 2022 | Anaëlle Weiss

Objectifs :

  • Quel travail personnel donner aux élèves allophones en dehors des cours ?
  • Comment les accompagner au mieux ?

Mots-clefs : Aide aux devoirs, EANA, autonomie, oral, écrit, travail personnel

Compétences :

  • Comprendre le travail et les consignes donnés en classe
  • Devenir autonome dans son travail
  • Comprendre les codes de la scolarité en France
  • Comprendre le français comme langue vivante et comme langue d’apprentissage
  • Apprendre à se servir d’outils spécifiques conçus pour les EANA, s’en servir comme tremplins dans son apprentissage

Niveaux : Tous

Supports, outils et activités :

  • Toute activité scolaire donnée en devoirs à la maison.
  • Outils spécifiques conçus pour les EANA

Auteur : Pascale JALLERAT, formatrice au CASNAV

Fiches en lien : Aide aux devoirs, travail de l’oral, travail de l’écrit



Les élèves allophones sont des élèves à besoins particuliers et nécessitent donc un accompagnement spécifique, surtout en ce qui concerne le travail en dehors des cours.

En effet, afin d’être un véritable moment de prolongement des apprentissages faits en classe, le travail à la maison doit être accessible à tous et doit aider l’élève à devenir autonome dans sa scolarité en France.

Comme tous les apprenants en langue, ils doivent pratiquer régulièrement oralement et à l’écrit cette langue, qui n’est pas seulement une langue vivante mais aussi la langue d’apprentissage d’autres nouveaux savoirs et savoir-faire.

Les élèves allophones doivent apprendre le français pour communiquer mais aussi pour suivre une scolarité dans cette langue, scolarité qui comporte de nombreux codes.

Mais il faut garder à l’esprit qu’un élève nouvellement arrivé n’est pas vierge de tout savoir et de tout savoir-faire. Il a des acquis scolaires antérieurs qu’il nous faut prendre en compte afin qu’il puisse faire des transferts : même s’il n’a pas été scolarisé, il n’est pas sans avoir un minimum développé des stratégies de repérage par son observation du monde extérieur.

Ainsi, l’élève arrivant en France dans un autre contexte d’apprentissage doit apprendre à les réutiliser et ce, grâce à un étayage à la fois dans les cours mais aussi en ce qui concerne tout le travail hors-cours.

Les codes à acquérir sont multiples et se placent à différents niveaux.

Les codes de la langue française, certes, mais aussi les codes des différentes disciplines et les codes de l’habitus scolaire français.

Il nous faut donc les accompagner en prenant compte de tous ces niveaux et l’on perçoit déjà l’importance du travail personnel nécessaire pour atteindre les objectifs demandés aux élèves, tant dans le savoir, le savoir être et le savoir-faire.

Une autre réalité s’ajoute aux difficultés des élèves : celle de la grande précarité. En effet, les élèves venant d’arriver en France n’ont pas toujours de bonnes conditions de vie et le logement, le matériel scolaire entre autre posent problème.

C’est pourquoi, si l’on veut accompagner ces élèves dans leur travail personnel, l’on se doit de mettre en place de bonnes conditions pour favoriser leur réussite : accès à une salle de travail, livres en français et en langue d’origine, matériel informatique, traducteurs, synthétiseurs…

1/ La question des codes à acquérir

a. Les codes de la langue française

Ce qui fait la particularité des élèves allophones c’est aussi la diversité des langues d’origine. Certes, l’aide aux devoirs est un accompagnement personnalisé permettant à l’élève de mieux assimiler et de mieux comprendre ses leçons, mais un élève qui a une langue d’origine très éloignée du français aura un cheminement d’apprentissage bien plus long que celui dont la langue est proche du français.

Changer de langue, ce n’est pas seulement changer de mots, c’est aussi changer de syntaxe, changer notre façon de percevoir le monde et changer de pensée. Etre locuteur d’une langue partagée par d’autres individus d‘une communauté a des implications décisives sur notre rapport au monde, notre rapport à l’autre.

Apprendre la langue française est donc un cheminement qui prend du temps et qui se doit d’être accompagné durant plusieurs années. Les universitaires sont d’accord pour dire qu’en moyenne il faut 5 ans pour maîtriser une langue à l’oral et 7 à l’écrit.

C’est pourquoi, on accompagnera ces élèves vers l’autonomie linguistique en leur donnant accès à l’écrit le plus vite possible par des exercices réguliers non seulement de grammaire mais aussi de compréhension et production écrite.

Au-delà de l’acquisition des codes d’une langue, c’est tout un monde à acquérir, monde rempli d’implicite. Les élèves allophones ne devront donc pas seulement apprendre un lexique, une syntaxe mais aussi ce que l’on peut exprimer et comment et dans quelles circonstances l’exprimer.

C’est pourquoi, il est aussi important de leur donner accès à l’implicite des textes et l’étude de textes littéraires, l’accès régulier à l’interprétation de tout type de textes et d’énoncés est primordial. En effet, produire un écrit en français, ce n’est pas seulement traduire à partir de sa langue et comprendre une consigne, c’est découvrir les attentes dans le non-dit de cette consigne et penser et produire à la manière des élèves francophones.

Il en est de même en ce qui concerne, l’oral. Celui-ci occupe une place importante dans l’apprentissage d’une langue, car c’est par la compréhension orale que tout commence. C’est grâce à l’oralisation de l’enseignant et la réception qu’en fait l’élève allophone que tout pourra se faire. La première compétence de médiation passe par la compétence langagière de la compréhension orale en interaction.

Par ailleurs en ce qui concerne la préparation d’un oral dans une langue seconde, ce n’est pas seulement apprendre la phonétique, l’articulation et la prosodie, c’est aussi apprendre à choisir les bons arguments, l’organisation de ceux-ci. Certes, il faudra travailler la prosodie, la fluence et la phonétique mais il faudra aussi mettre en place des productions orales en continu qui nécessitent une organisation du propos descriptif, narratif, explicatif et argumentatif.

b. Les codes des langues des disciplines

Une autre difficulté des élèves allophones c’est ce que l’on appelle le français des disciplines. Chaque matière a son propre lexique, sa syntaxe, son discours.
On retrouve dans chaque discours disciplinaire une fonction référentielle (il parle de quoi ?), une fonction poétique (il dit quoi ?), une fonction phatique (par quel canal ? comment ?) et une fonction métalinguistique (par quel langage ?) lorsque l’émetteur (ici l’enseignant) s’adresse au récepteur (l’élève), pour reprendre les travaux de Roman Jakobson.

Pour l’élève allophone, ce qui va poser problème, ce sont les fonctions phatique et métalinguistique. Tout d’abord, l’apprenant de la langue française aura un certain mal à rester en contact de façon durable avec celui qui parle car très vite il se trouvera en surcharge cognitive. Il ne pourra suivre comme les francophones tous les propos de l’enseignant surtout si le discours disciplinaire est complexe. Faut-il alors sans cesse reprendre et s’interrompre au détriment des autres ? Oui et non, tout est dans la mesure et là encore il est important de faire travailler l’élève en dehors du cours.

Il faut habituer l’élève régulièrement à écouter, l’aider à visualiser les propos, à reformuler ce qui est important afin de retenir son attention On peut lui faire écouter des extraits préparatoires, lui donner accès à du lexique disciplinaire dans un contexte discursif en rapport direct à travailler dans les quatre compétences langagières (Compréhension orale, production orale, compréhension écrite et production écrite). La dimension métalinguistique est aussi très importante et travailler la terminologie disciplinaire de façon régulière. L’élève doit avoir accès le plus vite possible aux mots clés, aux termes génériques d’une part mais aussi se doit de développer des stratégies de contournement de la difficulté. Il est important pour l’apprenant en langue de savoir remplacer un mot par un autre, savoir trouver le sens d’un mot par un contexte, par des stratégies de lecture.

c. Les codes de l’habitus scolaire

L’élève qui vient d’arriver doit comprendre que les attentes des professeurs en France ne sont pas les mêmes que dans d’autres pays.

La longueur exigée et l’organisation des devoirs écrits ne sont pas les mêmes, les supports de travail (documents à lire ou à analyser) peuvent être plus fournis. Par ailleurs, on n’utilise pas les mêmes outils graphiques pour rendre un devoir (jamais au crayon à papier en France), sur des pages avec lignes Seyes…

Par ailleurs, l’habitude même de donner du travail à la maison autre que sous forme de QCM ou bien avec un agenda en ligne sur l’ENT peut ne pas être comprise par les familles.
Enfin, le carnet de liaison est aussi une grande découverte pour tous les élèves nouvellement arrivés et leur famille, cet outil n’étant utilisé qu’en France.

En effet, il est toujours difficile à intégrer les familles dans le travail de l’apprenant.
Celles-ci doivent pouvoir avoir accès à ce qui est demandé à faire à la maison, afin d’accompagner leurs enfants. Un parent, même s’il ne sait pas parler le français, est toujours en capacité de vérifier si son enfant a fait son devoir de maths par exemple ou bien faire en sorte de vérifier si l’enfant a travaillé le soir en rentrant chez lui.

Il est donc important, surtout pour le travail à la maison, de rencontrer les parents, de leur expliquer ce que nous attendons des élèves en ce qui concerne le travail scolaire hors cours.

2/ Les conditions matérielles préalables

Un élève allophone est souvent un élève qui a pris l’habitude de travailler régulièrement en UPE2A car il sait que s’il veut surmonter l’obstacle que représente la langue française pour lui dans un premier temps, il lui faudra travailler davantage que les autres.

Or, on entend quelquefois dire que tel ou tel élève n’a pas fait son travail à la maison. Le problème est souvent d’ordre matériel. Beaucoup d’élèves nouvellement arrivés en France sont des élèves qui vivent dans une grande précarité et ils n’ont ni l’espace, ni les moyens matériels nécessaires au travail scolaire à la maison. Certains vivent dans des conditions très difficiles, d’autres doivent s’occuper des frères et sœurs…

Il nous appartient donc de trouver des solutions pour donner à ces élèves l’occasion de faire leurs devoirs. Non seulement, il s’agira de leur trouver une salle de travail sur des créneaux horaires convenables et donc acceptables mais aussi si possible de leur permettre d’être accompagnés par un adulte dans leur travail. Il est par ailleurs important de mettre ces élèves le plus souvent dans des structures comme l’aide aux devoirs, de leur laisser une salle à disposition en première et dernière heures… A tout cela s’ajoute aussi la possibilité d’accéder aux appareils connectés qui peuvent être d’une véritable aide à tous les niveaux (documents iconographiques, documents audio, vidéos, production d’enregistrement, de textes, accès aux traductions…). Or, ce matériel n’est pas accessible à ceux qui vivent en foyer et à beaucoup de ceux qui vivent chez eux.

Enfin, certains étant arrivés après la date de clôture des demandes de bourse, il est important de prévoir de mettre à disposition du matériel scolaire pour ces élèves.

Il s’agit donc d’une véritable politique d’établissement à mettre en place et qui servira pour tous les élèves en grande précarité allophones ET francophones.


3/ Comment accompagner au mieux les élèves allophones dans leur travail personnel en dehors des cours ?

Voici quelques pistes

Types de devoirs Accompagnement Outils spécifiques
ORAL -Rendre compte de son cours à apprendre -Vérifier que l’élève sait lire son cours ; -Vérifier que l’élève comprend son cours et voir si le collègue a fait souligner des mots à chercher -Application ELOCANCE (lit les écrits) ; -Utilisation raisonnée de traducteurs ou dictionnaires bilingues
ORAL -Récitation d’une poésie ou d’une scène de théâtre ou un dialogue en vue d’une récitation -Vérifier la compréhension mais aussi travailler la phonétique, la fluence et la prosodie -Application ELOCANCE pour écouter le texte et un enregistreur sur lesquels l’élève enregistre sa lecture puis sa récitation
ECRIT -Lecture de textes et documents divers -Vérifier la compréhension en posant 2 ou 3 questions (Attention : Ne jamais demander si un élève a compris, il dira toujours oui) -Application Quizizz ou en interaction ; -Dictionnaire bilingue / traducteur et fiche de méthode
ECRIT -Lecture d’œuvres intégrales -Donner des œuvres FLE correspondantes ou donner accès à des vidéos -Editions CLE International, Hachette FLE, Borda FLE, CIDEB … (voir avec le CDI)
ECRIT -Exercices d’application -Vérifier que l’élève a son cahier, a un manuel (certains EANA n’en ont pas car sont arrivés en cours d’année) et arrive à se repérer ; -Le faire travailler avec un camarade tuteur qui lui réexpliquera si nécessaire le cours ; -Lui faire apprendre la leçon -Dictionnaires et traducteurs
ECRIT -Travail de rédaction -Vérifier que le sujet est compris ; -Pour les élèves non scolarisés antérieurement : l’élève peut enregistrer une production orale ; -Pour les élèves débutants, donner un texte à trous avec des mots à replacer ; -Pour les élèves de niveau intermédiaire : donner des amorces de phrases et/ou de paragraphes. L’élève peut aussi produire un texte en commun avec un élève tuteur ; -Pour les élèves de niveau avancé, le mettre avec un tuteur pour la syntaxe et l’orthographe -Enregistreur ; -Application en ligne LaDigitale ; -Fiche de lexique ; -Applications et logiciels en ligne : FRAMAPAD, DIGIDOC
Pour TOUT Vérifier que l’élève a son matériel (certains n’en n’ont pas tout de suite) Prévoir un matériel de secours

accompagnement_aux_devoirs_des_eana.pdf