Accompagnement des élèves

Bibliographie commentée

29 / 03 / 2019 | Anaëlle Weiss

Objectifs : Trouver des pistes didactiques dans des ouvrages pédagogiques pour mieux aider les élèves dans le cadre de l’Accompagnement personnalisé
Mots-clefs : bibliographie
Compétences : Construire des séances efficaces d’accompagnement personnalisé
Niveaux : tous
Supports, outils : Lectures pédagogiques
Auteur : Marc Ledoux, professeur de Lettres Modernes, lycée Paul-Eluard, Saint-Denis

Dans cette fiche :

  • De l’élève adjectivé à l’élève sujet : l’élève en devenir
  • Repenser l’échec et le statut de l’erreur
  • De l’hypothèse des malentendus sociocognitifs au savoir apprendre
  • Instituer d’autres pratiques de l’écrit et de l’oral
  • Restaurer l’estime de soi et susciter le désir de savoir
  • Ouvrages cités dans ce document

De l’élève adjectivé* à l’élève sujet : l’élève en devenir

Recherche en sciences de l’éducation et sciences sociales ont partie liée dans notre projet de poursuivre la réflexion sur l’accompagnement personnalisé et ses pratiques dans le quotidien de la classe. Identifier l’élève en tant que sujet nécessite de reconnaitre la place qu’il occupe dans la relation pédagogique. Aussi la notion de distance s’impose-t-elle, que Mireille Cifali, dans son livre Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique (PUF, 1994), définit ainsi : "C’est un travail constant, une mise à distance qui exige que des repères soient sans cesse élaborés". En tant que sujet, l’élève entretient avec le savoir une relation particulière. Aussi ajoute-t-elle que "le rapport au savoir est cependant toujours lié à ce qu’on est". Mais comment ce sujet émerge-t-il ?
Dans leur livre Enseigner pour émanciper, émanciper pour apprendre (ESF, 2013), Jacques Cornet et Noëlle De Smet postulent la nécessité de "se défaire de ses postures et de ses illusions" pour "favoriser l’émergence d’un sujet apprenant" et suggèrent au chapitre II des pistes d’action pour "susciter le désir d’apprendre". Ce désir s’accompagne de l’écoute, selon Brigitte Prot, dans son livre J’suis pas motivé, je fais pas exprès ! (L’Harmattan, 2010) où elle explique pourquoi l’écoute joue un rôle primordial dans la question de la motivation et souligne que "le besoin d’écoute, chez l’élève, est indissociable de celui d’encadrement. Les limites posées lui permettent de situer sa propre place, et l’écoute de ce qu’il vit, à l’école, au collège ou au lycée, de l’occuper". Modifiant notre regard sur l’élève, elle nous invite à repenser l’échec et à changer de conception à propos des difficultés d’apprentissage.

Repenser l’échec et le statut de l’erreur

Serge Boimare analyse les motivations inconscientes de l’échec scolaire qu’il définit davantage comme un trouble de l’apprentissage. Dans son livre L’enfant et la peur d’apprendre, (Dunod, 2004), il écrit en conclusion : "certains enfants voient se réveiller des peurs qui les déstabilisent lorsqu’ils affrontent la situation d’apprentissage". À la suite de Bruno Bettelheim qui analyse, dans son traité "le parti pris de l’échec" (1979), les motivations inconscientes de la mise en échec de soi, Serge Boimare explique qu’un élève peut souhaiter "limiter ses compétences", redoutant "l’efficacité intellectuelle et le savoir". Et dans son livre Ces enfants empêchés de penser, (Dunod, 2008), il propose en guise de synthèse des schémas explicatifs pour comprendre la notion d’empêchement de penser mis à l’œuvre dans le phénomène de l’échec scolaire. Il récapitule aussi les points forts de sa méthode pédagogique pour y remédier à travers "le nourrissage culturel" et "l’entraînement à débattre".
S’appuyant sur les travaux de Serge Boimare, Emmanuelle Yanni, dans son livre Comprendre et aider les élèves en échec (ESF, 2001) nous invite à reconsidérer le statut de l’erreur. Elle rappelle en conclusion la nécessité que soit reconsidérée l’erreur, "si l’erreur a une fonction de préservation psychique" et fait l’hypothèse que l’erreur "pleinement exprimée et entendue, est la garantie à long terme d’un apprentissage réussi". Pensé en termes négatifs, l’échec scolaire est souvent décrit "en termes de défaillance, de manque, de privation, l’individu est en échec par défaut d’intelligence, par manque de volonté ou par inhibition de ses capacités intellectuelles." Cette description en négatif, écrit Mireille Cifali (1994), "entraîne une volonté de transformer, redresser, d’extirper, de remplacer l’insuffisance par la qualité" là où, renversant la perspective, Isabelle Yanni développe l’idée que "l’élève échoue non pas parce qu’il ne donne aucun sens aux choses mais plutôt parce qu’il se trouve confronté à un excès de sens accordé aux connaissances". Nous somme bien à l’opposé de l’idée de l’échec scolaire par absence de sens accordé aux connaissances, "conception" pourtant "bien ancrée", regrette-t-elle. Aussi l’auteure répertorie-t-elle les "effets d’excès de sens dans les comportements qui accompagnent l’apprentissage -attitudes, paroles et utilisation des objets-, "Attitudes d’évitement face à la situation d’apprentissage", "Attitudes de repli sur soi", "Attitudes de remplissage par des activités venant de soi". Elle analyse non l’erreur mais ce qu’elle appelle l’instant d’apprendre et écrit : "Ce glissement sur l’instant d’apprendre nous paraît également essentiel parce qu’il dégage l’échec scolaire de son aspect figé, stérile ou plus exactement d’une conception de l’échec qui se réduirait à sa production : l’erreur".

De l’hypothèse des malentendus sociocognitifs au savoir apprendre

Aux explications négatives de l’échec scolaire, du décrochage cognitif ou de l’erreur, se substitue la notion de productions différenciées de sens en lien avec des identités sociales et des pratiques discursives. En introduction de son livre Pratiques langagières, pratiques sociales (L’Harmattan, 1995), Elisabeth Bautier écrit : "les explications négatives, conduites en termes de manque [...] demandent aujourd’hui à être reformulées en termes de productions différenciées de sens liées à des interprétations du langage et des situations elles-mêmes différenciées". Aussi la notion d’échec s’en trouve donc modifiée. Dans son livre La raison scolaire (Presses Universitaires de Rennes, 2008), Bernard Lahire esquisse un portrait robot de l’élève en situation d’échec scolaire : "il s’agit d’un élève ayant des difficultés à analyser la chaîne sonore lors des premiers apprentissages de la lecture et de l’écriture, qui a des problèmes de compréhension en lecture, qui connaît par la suite de grandes difficultés dans le domaine de l’analyse grammaticale et se réapproprie pragmatiquement les demandes grammaticales, qui parvient difficilement à maîtriser métalinguistiquement des mots du vocabulaire qu’il utilise pourtant fort bien en situation de communication, qui commet de nombreuses fautes d’orthographe (surtout en matière d’accords), qui possède une expression orale où prédomine l’implicite, le geste, les mimiques, les postures, les intonations, et qui apparaît donc comme "pauvre" aux yeux de l’enseignant privilégiant l’explicite (la richesse lexicale et syntaxique), et, enfin, qui produit des textes extrêmement implicites et apparemment incohérents car ne se centrant pas sur la forme textuelle (juxtaposition plutôt qu’organisation textuelles des "idées")". Aussi Jacques Bernardin s’interroge-t-il sur le sens que les élèves donnent à leur présence à l’école, sur ce qu’est apprendre de leur point de vue, et dans son livre Le rapport à l’école des élèves de milieux populaires (De Boeck, 2013), il analyse les logiques mises à l’œuvre dans les situations et les contenus scolaires. Sous formes de tableaux, "Rapport à la lecture Quels éléments différenciateurs ?", "Rapport à l’écriture Quelques "noyaux-durs"... très différenciateurs" et "Synthèse du rapport à l’écrit des élèves scolairement fragiles", il recense des éléments différenciateurs dans le rapport à la lecture et à l’écriture. La notion de malentendus sociocognitifs développée par Elisabeth Bautier et Patrick Rayou dans leur livre Les inégalités d’apprentissage (PUF, 2009), permet de "concevoir les modes de pensée, les raisonnements, les façons de faire avec les objets de travail mis en œuvre par les élèves comme le produit de plusieurs phénomènes qui évitent de réduire leurs difficultés à des incapacités cognitives ou à un désintérêt subjectif ou social". Ils concluent que "la notion de malentendu sociocognitif permet donc de considérer les difficultés et différences d’apprentissage comme des constructions conjointes de l’enseignant et de l’élève". Comme le suggère le titre du livre d’Elisabeth Bautier, Apprendre à l’école, c’est apprendre l’école (2013), "aucun apprentissage scolaire n’est évident, spontané, naturel, si c’est ce qui est supposé, alors seuls des îlots de savoir, des savoir-faire scolaire (l’accomplissement des tâches) et une socialisation plus comportementale que cognitive et langagière sont construits par une partie importante des élèves".

Instituer d’autres pratiques de l’écrit et de l’oral

En référence aux travaux de Dominique Bucheton et d’Elisabeth Bautier (1997), la notion de postures permet d’analyser les représentations des élèves. En préambule de leur livre, Le développement des gestes professionnels dans l’enseignement du français (De Boeck, 2008), Dominique Bucheton et Olivier Dezutter définissent ainsi le concept de postures : "des formes de l’activité socialement et scolairement préconstruites qui se manifestent dans diverses conduites en partie inconscientes dans l’accomplissement des tâches d’écriture ou de lecture. [...] Ce ne sont donc pas seulement des manques qui caractérisent les difficultés de ces élèves réfractaires, mais des rapports à des représentations en actes du "comment faire", des schèmes préréflexifs disponibles". Aussi la notion de guidage prend tout son sens. Dans son livre L’école, mode d’emploi (ESF, 1985), Philippe Meirieu donne un exemple de "plan de travail individuel" ( pp 136-137) pour illustrer cette notion de guidage et écrit : "si l’on examine les situations d’apprentissage selon le degré de guidage qu’elles comportent, il est incontestable que, malgré son apparence directive, la situation impositive collective est très peu guidée : l’activité de chaque individu est contrôlée très extérieurement, à l’aide d’indicateurs superficiels". Le rapport à l’écrit apparaît central lorsqu’on évoque la maitrise de la langue. Dans son livre Le rapport à l’écriture (Presses Universitaires du Septentrion, 2015), Christine Barré-De Miniac écrit : "Cette notion de rapport à suggère l’idée d’une orientation ou disposition de la personne à l’égard d’un objet, en l’occurrence un objet social, historiquement construit en ce qui concerne l’écriture, et à l’égard de la mise en œuvre pratique de cet objet dans la vie personnelle, culturelle, sociale et professionnelle". Souvent indissociable des productions écrites, la question de l’évaluation des écrits des élèves se pose. Dans son livre Réconcilier les enfants avec l’écriture - Entrer dans l’écrit (ESF, 2016), Eveline Charmeux distingue l’évaluation et la notation, rappelant que "Noter n’est pas évaluer", et fournit un schéma de ce qu’est "l’évaluation formative" accompagné d’une "grille d’indicateurs de compétence", où l’on comprend pourquoi "écrire, c’est réécrire". Dans leur livre Les collégiens et l’écriture (ESF, 993), Christine Barré-De Miniac, Françoise Cros et Jacqueline Ruiz envisagent aussi un autre rapport à l’écrit : "celui-ci n’est plus seulement traité comme une réalisation fautive à corriger, mais comme un tout dont le sens se cherche et s’augmente". Et la possibilité de recourir au traitement de texte semble bénéfique aux yeux de Sylvie Plane qui voit dans cet outil au service de l’écriture un moyen d’apprendre à réécrire. Dans la Partie 8 intitulée "le traitement de texte pour apprendre à réécrire" du livre De l’évaluation à la réécriture (Hachette, 1996), le traitement de texte devient l’outil idéal pour "découvrir autrement ce qu’est un texte" et son intérêt "dépasse de beaucoup celui d’une machine à écrire ou d’une imprimerie, car il permet d’intervenir à tout moment de la production du texte, et en ce sens, il peut aussi devenir un outil d’apprentissage de la réécriture", car "le texte ne préexiste pas à son actualisation : tant qu’un texte n’a pas été écrit ou dit, il n’y a que des intentions, des composantes, des matériaux, mais pas ce tissu étroitement tressé qu’est tout texte... Le texte s’élabore, vit, se génère en prenant forme, en se matérialisant par la parole ou l’écriture". Aussi "l’élève n’apprend pas seulement le geste qui permet de déplacer le curseur dans un texte figurant sur un écran pour sélectionner un passage à effacer, il apprend aussi en même temps qu’il est possible de revenir sur du texte déjà écrit et de supprimer des éléments du texte s’ils ne conviennent pas. Il apprend finalement qu’un texte se travaille". Un tableau permet de visualiser les apprentissages textuels en lien avec des apprentissages techniques. Ce tableau présente quelques exemples de ce type d’organisation destiné à articuler des apprentissages technologiques et des apprentissages relevant du domaine du français.
Partie liée avec la mise en activité des élèves, la notion de guidage renvoie à la place qu’occupe l’oral dans nos pratiques de classe. Dans son livre Pédagogie de l’activité : pour une nouvelle classe inversée - Théorie et pratique du "travail d’apprendre" (ESF, 2015), Alain Taurisson et Claire Herviou présentent le rituel de L’évocation qu’ils définissent comme étant un "retour intérieur et actif sur des impressions, des perceptions, pour les structurer et leur donner un sens. Le passage des perceptions à leur évocation est le premier pas indispensable de tout apprentissage". Rappelons ici que l’oral participe au processus de conceptualisation, là où "l’écrit serait fondamentalement second" comme l’écrit Bernard Lahire (2008).

Restaurer l’estime de soi et susciter le désir de savoir

La question des apprentissages est au cœur de l’accompagnement personnalisé qui réinvestit les apports des didactiques des disciplines. Dans le numéro 53 de la revue Repères (ENS de Lyon, 2016), Yves Reuter recentre notre regard sur la dimension cognitive du décrochage scolaire et dans son article "Décrocher à l’école : la part du français", il étudie les relations entre disciplines, décrochage scolaire et didactiques, montre en quoi les didactiques peuvent avoir des choses importantes à proposer sur cette question et expose une piste de recherche expérimentée à partir de la notion de vécu disciplinaire. Et dans leur livre La constructions des inégalités scolaires (Presses Universitaires de Rennes, 2011), Jean-Yves Rochex et Jacques Crinon nous mettent en garde contre le risque de "centration sur les tâches au détriment des enjeux du savoir" et "une approche par compétences qui, d’une part, renforce les risques de confusions entre situations d’apprentissage et d’évaluation, et, d’autre part, minore ou contourne la spécificité et le rôle des savoirs et des disciplines". Mais Marcel Postic écrit dans son livre La relation éducative (PUF, 1979) : "la raison d’être de l’enseignant n’est plus le savoir -bien qu’il en demeure le référent- c’est sa fonction à l’intérieur du groupe. À lui d’organiser les situations d’apprentissage, de favoriser la répartition des rôles pour que les élèves gèrent leur vie en classe, de susciter une dialectique du pouvoir, de stimuler la progression des élèves vers des objectifs qu’ils savent devoir atteindre, et de chercher avec eux les instruments appropriés pour analyser et résoudre un problème, pour y découvrir des solutions originales."

Ouvrages cités dans ce document :

Mireille Cifali, Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique (PUF, 1994)
Jacques Cornet et Noëlle De Smet, Enseigner pour émanciper, émanciper pour apprendre (ESF, 2013)
Brigitte Prot, J’suis pas motivé, je fais pas exprès ! (L’Harmattan, 2010)
Serge Boimare, L’enfant et la peur d’apprendre, (Dunod, 2004) ;
- Ces enfants empêchés de penser, (Dunod, 2008)
Bruno Bettelheim, "Le parti pris de l’échec" (1979)
Emmanuelle Yanni, Comprendre et aider les élèves en échec (ESF, 2001)
Elisabeth Bautier, Pratiques langagières, pratiques sociales (L’Harmattan, 1995) ;
- Apprendre à l’école, c’est apprendre l’école (2013)
Elisabeth Bautier et Patrick Rayou, Les inégalités d’apprentissage (PUF, 2009)
Bernard Lahire, La raison scolaire (Presses Universitaires de Rennes, 2008),
Jacques Bernardin, Le rapport à l’école des élèves de milieux populaires (De Boeck, 2013)
Dominique Bucheton et Olivier Dezutter, Le développement des gestes professionnels dans l’enseignement du français (De Boeck, 2008)
Philippe Meirieu, L’école, mode d’emploi (ESF, 1985)
Christine Barré-De Miniac, Le rapport à l’écriture (Presses Universitaires du Septentrion, 2015)
Christine Barré-De Miniac, Françoise Cros et Jacqueline Ruiz, Les collégiens et l’écriture (ESF, 993)
Eveline Charmeux, Réconcilier les enfants avec l’écriture - Entrer dans l’écrit (ESF, 2016)
Sylvie Plane, De l’évaluation à la réécriture (Hachette, 1996)
Alain Taurisson et Claire Herviou, Pédagogie de l’activité : pour une nouvelle classe inversée - Théorie et pratique du "travail d’apprendre" (ESF, 2015)
Yves Reuter, numéro 53 de la revue Repères (ENS de Lyon, 2016)
Jean-Yves Rochex et Jacques Crinon, La constructions des inégalités scolaires (Presses Universitaires de Rennes, 2011)
Marcel Postic, La relation éducative (PUF, 1979)

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